Mon Journal - My Journal   
10/09/2002

Salut tout le monde,

      je ne sais pas quand cet email partira... Normalement, il partira demain, c'est à dire vendredi 6, puisque si tout se passe bien, les services informatiques de la fac auront enfin configuré internet dans ma chambre. Cependant, actuellement, un gros typhon menace Taipei, et en cas de typhon important, tous les bâtiments publics sont fermés, donc, le service informatique aussi, et il se peut que ce message ne parte que jeudi... tout ça pour vous dire que quel que soit le moment où vous me lisez, ce message a été écrit jeudi 5 après midi...

      J'avais déjà envoyé un premier long mail collectif jeudi dernier, mais apparemment, il y a eu un problème, puisque seuls les abonnés à caramail l'ont reçu...

      Je remets donc ça dans un nouveau mail, encore plus très très long, puisqu'il reprend une partie du contenu du précédent (les caramaileurs, ne vous choquez donc pas si certains morceaux de ce mail ne sont que des copié-collés du précédent) en y ajoutant plein de nouvelles choses, puisqu'entre temps, si mon chinois n'a pas encore vraiment progressé, au moins a-t-il pu prendre de l'assurance, et m'a-t-il ainsi permis de discuter avec un certain nombre de personnes, Taiwanais eux-même, ou étrangers qui vivent à leur contact depuis longtemps, pour éclaircir certaines choses que je trouvais obscures au début...

      (précision de langage : quand dans mes observations, je dis "Taiwanais", c'est qu'il s'agit d'une simple observation; quand je dis Chinois, c'est que je me suis ensuite renseigné, soit en discutant, soit en lisant, et que j'ai appris que ma constatation pouvait s'étendre à tous les Chinois)

      Cette fois, j'ai essayé de classer un peu les informations; et comme tout ne doit pas intéresser tout le monde, en bon étudiant de Sciences-Po, je vais annoncer mon plan, (en plus, comme le mail est très très long, ça permet de le lire en plusieurs fois)...

- Le problème du logement
- La fac et les cours
- La ville
- Les Taiwanais
- La nourriture
- Les étrangers (juifs et français)
- Faune, flore et environnement naturel
- Comment taper au clavier en chinois ?


Le problème du logement.

     Arrivée vendredi matin, la compagnie aérienne a envoyé par erreur une de mes valises à HongKong. C’est mon premier contact avec des Taiwanais, et mes premières difficultés pour me faire comprendre.
      Ici, contrairement aux idées reçues, on ne parle pas l’anglais, et l’idée de devoir me trouver un logement pour la nuit avec le peu de chinois que j’ai commence à me faire flipper. Pas d’autre moyen, par exemple de se faire comprendre des taxis chinois qu’en leur montrant l’adresse écrite dans leur langue. Par chance, les charmantes hôtesses de l’air, qui m’ont conseillé dans l’avion, avaient prévu ce détail. Elles m’ont donné l’adresse en chinois d’une espèce de copropriété (en fait, on loue une chambre à peu près 11 euros la nuit pour soi ou plusieurs personnes, mais on partage toilettes, douche et cuisine). Je débarque donc sur place, là, je suis accueilli par une fille qui m’explique qu’elle est désolée, que la responsable n’est pas là, mais que de toutes les façons, ce n’est pas très propre ici, elle a été très déçue. Elle me fait quand même téléphoner sur le portable de la responsable, qui me dit qu’elle n’a plus de place. Elle rappelle deux minutes plus tard, en m’annonçant qu’un de ses amis qui tient un truc dans le même genre a une toute petite chambre qui se libère le jour même. Voilà comment je me suis retrouvé chez Happy Family II Hostel, dans une chambre de deux mètres cinquante sur deux mètres (sans exagérer).
      Happy Family a néanmoins l'avantage d'être situé en plein centre de Taipei, et comme ces premiers jours, je n'ai absolument rien à faire, j'en profite pour me promener, faire du shopping et découvrir la ville. Tout ceci en sandales, puisque -tradition héritée de l'époque de l'occupation japonaise, m'a-t-on dit- à Taiwan, on a la phobie des sols d'intérieurs sales, et on ne marche qu'en chaussettes dans les maisons. Tout le monde doit donc laisser ses chaussures à l'entrée de l'Hostel... J'y ai laissée les miennes un soir, elles n'y étaient plus le lendemain...au moins, j'ai les orteils bronzés...

      Si j'avais décidé de partir pour Taipei à l'aventure sans savoir ou loger, ce n'est pas que par amour du scoutisme ni que pour faire peur à mes parents, c'était aussi pour pouvoir négocier une chambre gratuite à l'internat de la fac. En effet, l'échange entre Sciences-Po et ma fac ne prévoit pas le logement : les malheureux Taiwanais qui ne parlent pas français doivent se débrouiller tous seuls pour trouver un logement à Paris et la réciproque est normalement valable... Dans mon cas, si je souhaite une chambre à l'internat, ce n'est ainsi normalement qu'en payant, avec une réservation à renouveler tous les trois mois. L'astuce consiste donc à faire du charme à Mlle Ho, la responsable de l'échange, pour entrer dans le lot des étudiants en échange des Etats-Unis, qui eux sont logés gratuitement à l'année. Sans que j'aie à faire beaucoup d'effort, le charme a opéré. Dès le mardi suivant, j'ai donc emménagé dans une chambre de quatre personnes. Moi qui pensais être trop asocial pour pouvoir un jour vivre ce type d'expérience collective, voilà que je dois y faire face. Pour l'instant, nous ne sommes que deux dans la chambre, avec Keishu, un japonais qui ne parle pas l'anglais et baragouine à peu près le même type de chinois que moi... La communication opère donc pas mal par gestes, mais on s'en tire pas mal, et ça se passe bien entre nous.
      L'internat de la fac est situé tout en haut d'une colline d'une hauteur respectable, qu'il faut monter et descendre tous les jours, à pieds. Sinon, les installations ne sont pas mal, le campus est sympa, dispose de tout ce qu'on peut trouver comme installations sportives (basket, foot, escalade, tennis, piscine, circuits d'athlétisme, base-ball) et intellectuelles (bibliothèques, salles d'études climatisées, salles informatiques, laboratoires de langues...) sur un campus digne de ce nom (sans oublier les deux restaurants, le Mcdo et les trois supermarchés), et offre à chaque interne une connexion ADSL, ce qui, dans mon état de dépendance pathologique, n'est pas négligeable.
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La fac et les cours

      L'Université dans laquelle je vais passer mon année s'appelle ZhengZhi DaXue (prononcer TjongTjeu Tashué), - en abrégé, ZhengDa - c'est à dire "Hautes études politiques". La traduction, c'est surtout pour me la péter, étant donné que les cours que je suivrai sont essentiellement des cours de mandarin en mandarin (deux heures par jour). Je me suis aussi inscrit dans le "College of Commerce" de la fac pour suivre les cours "Asia-Pacific Money and Capital Market", "High Tech Industry in Taiwan" et "Cross-Straits Political and Business" au premier semestre, on verra plus tard pour le second. Sinon, j'aurai aussi l'occasion de suivre au cours de l'année des cours de prononciation pour parfaire mon accent, mais aussi des leçons de préparation de thé, de découpage de papier "à la chinoise", de calligraphie et de Shaolin KungFu (malheureusement trop peu pour pouvoir faire comme dans les films à mon retour).
      Malgré les deux ans de chinois que j'ai déjà derrière moi, je suis dans un niveau de débutant à la fac. Il y a en tout 12 niveaux. Les tests de sélection me permettaient d'entrer en niveau 2, mais d'une part, j'ai trouvé ce niveau déjà trop dur pour moi, d'autre part, de nombreuses personnes m'ont assuré qu'un des professeurs de niveau 1 avait une méthode hétérodoxe, mais tellement efficace qu'elle leur avait permis de sauter deux niveaux d'un coup lors de leur second trimestre. J'ai donc choisi l'option de me rétrograder dans le cours du super professeur, et sans exagérer, j'ai suivi huit heures avec ce prof, et en huit heures, j'ai déjà traité un demi-semestre de niveau 0 à Sciences-po... Je ne regrette donc pas, sauf que pour suivre le rythme de ce prof, il faut bosser comme un dingue :o((
      Depuis lundi dernier, j'ai commencé les cours de chinois (les autres ne commencent que le 17 septembre : le département d'apprentissage accéléré du mandarin est relativement autonome du reste de l'université). Ce sont des cours dans lesquels je ne suis donc bien sûr qu'avec des étrangers. Une grosse majorité de japonais et de coréens, mais aussi pas mal d'anglais, d'américains et de turcs, et quelques vietnamiens et russes. Ca donne un melting pot comique, notamment en ce qui concerne les conversations : tout le monde est obligé de jongler entre au moins trois langues (anglais, chinois et langue maternelle) quand ce n'est pas plus pour certains. Il arrive que l'on commence une phrase dans une langue et qu'on la finisse dans une autre. Ce qui est sympa, c'est que tout le monde est motivé pour apprendre, et donc que le chinois tend et tendra à s'imposer au fur et à mesure de nos progrès. J'ai d'ailleurs été surpris de la non-universalité de l'anglais. En européen qui regarde son nombril, je pensais qu'on pouvait se faire comprendre partout avec l'anglais. Pas en Asie. L'anglais asiatique est définitivement le chinois: les Vietnamiens, coréens et japonais qui sont avec moi le parlent beaucoup mieux que l'anglais, et m'ont expliqué ne pas être des cas particuliers dans leur pays. Le chinois a en plus cet avantage d'avoir essaimé son écriture idéographique dans tout le sud-est asiatique, et je trouve ça impressionnant quand un coréen et un japonais qui sont tous deux dans mon niveau débutant de chinois arrivent à se comprendre mutuellement en écrivant des caractères chinois, qui s'utilis(ai)ent dans leurs pays respectifs, qui veulent dire la même chose, mais qui ont pour seule différence de ne pas se prononcer pareil.
      Je suis le seul français. Le seul français, mais pas le seul étudiant de Sciences-Po. J'ai découvert sur place Olaf, un doctorant dans notre cher institut, d'origine allemande, qui a obtenu de Sciences-Po qu'il lui finance sa thèse de recherche sur les relations internationales europo-chinoises. Ca fait déjà un an qu'il est là, et il m'a "pris en charge" dès qu'il a su qui j'étais, ce qui m'a pas mal aidé à comprendre plus vite pas mal de choses que j'aurai certainement mis du temps à découvrir tout seul. Il m'a aussi invité à la soirée d'adieu de sa copine, qui a suivi le même programme que moi, et qui s'apprête à présent à rentrer en France. Après m'avoir présenté ses potes, il m'a annoncé : "maintenant que ma copine s'en va, c'est toi qui va la remplacer...", mais, en voyant ma tête, il a finit par ajouter : "je parle de la pratique du français, bien sûr !"
      Voilà pour la fac, le début des cours et de mon "intégration". La routine s'installe presque déjà, et j'attends maintenant l'arrivée des étudiants Taiwanais le 17 septembre.

      Fin de la séquence Loft Story. J'ai fini de raconter ma vie, maintenant, je vais raconter celle de Taipei.
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La ville

      Taipei, c'est moche.
      C'est vraiment moche, et pourtant c'est attachant.
      Premier constat en arrivant, il fait chaud : 35° à 7h30 le jour de mon arrivée, selon le commandant de bord. Chaud et humide (80% d'humidité). Ensuite, c'est pollué : même par temps de grand soleil, impossible de voir un ciel parfaitement bleu : au-dessus de nos têtes trône un nuage gris qui donne à la luminosité de la ville un teint particulier... Bien sûr, chaleur + pollution = puanteur. Taipei est une ville qui pue les égouts, les ordures et la vieille bouffe. Quand je dis que ça pue, c'est vraiment que quel que soit l'endroit où l'on est, on est forcé de supporter cette puanteur, il ne s'agit pas de quelque chose de ponctuel dans l'espace ou dans le temps, mais bien d'une odeur omniprésente. A Taipei, pour respirer de l'air pur, on ne sort pas de chez soi, mais on rentre dans les magasins, pour profiter de la climatisation qui rafraîchit tellement qu'on en est presque content de ressortir après un certain moment tellement on a froid.
      D'autre part, Taipei est une ville en perpétuelle reconstruction : il y a des travaux partout, et on m'a expliqué que quand les travaux s'achevaient quelque part, il commençait ailleurs... Ca s'explique notamment par les fréquents tremblements de terre dont est victime la ville.
      Taipei est ensuite un amas de bâtiments de type building de béton gris ou rouges, grands et moches, qui alternent avec de superbes pagodes rouge vif, richement décorées de statues, et aux alentours desquels on peut bénéficier de l'odeur relativement agréable de l'encens dans la puanteur de la ville. Ces pagodes sont en fait des temples taoïstes ou bouddhistes (les temples confucianistes sont plus rares et plus sobres), je donnerai plus d'explications sur ces trois grandes religions chinoises dans un prochain mail, quand moi-même j'aurai approfondi la chose.
      Taipei est ensuite infestée de chiens errants, il y en a partout, ils sont libres et vivent de l'aumône des nombreux magasins de nourriture. Il y en a notamment beaucoup sur le campus de mon université.
      Qu'est-ce qui, dans un pareil cadre, peut rendre la ville attachante ? Il s'agit certainement de l'ambiance générale de Taipei. Non, Tintin et le lotus bleu, ce n'est pas qu'un amas de préjugés occidentaux : les vélos sont devenus des scooters (moyen de transport de prédilection des Taiwanais), les ombrelles de papier des ombrelles de toile cirée, les pousse-pousses, des taxis jaunes comme à New York, les vêtements se sont américanisés (par l'intermédiaire du Japon, en fait, ce qui fait qu'il reste quand même une légère touche locale), mais le tableau général de la Chine telle qu'on peut l'imaginer est bien là. Les rues regorgent de monde à n'importe quelle heure de la journée (même la nuit quand des tables se dressent sur les trottoirs et que les amis prennent une bière ensemble), les murs gris sont recouverts d'énormes enseignes lumineuses, et à ce moment du mail, j'avoue que j'ai du mal à trouver des mots pour décrire cette ambiance très particulière. Taipei, c'est le bordel, et pourtant, on dirait que chaque chose est à sa place... Désolé de vous dire ça alors que je vous envoie un mail pour essayer de vous faire partager au maximum, mais Taipei, il faut le vivre.
      A défaut de pouvoir décrire l'ambiance, je vais m'attarder sur quelques détails qui m'ont amusés...
      Tout d'abord, les feux bicolores pour piétons. Le principe est le même que chez nous: bonhomme rouge quand il faut s’arrêter, bonhomme vert quand il faut marcher, à la différence près que le bonhomme vert est animé. Quand le feu passe au vert, un compte à rebours s’affiche au-dessus de sa tête pour indiquer le temps qu’il reste pour traverser. Pendant ce temps, le petit bonhomme marche. Et quand arrivent les trente dernières secondes du compte à rebours, le petit bonhomme se met à courir. C'est très marrant, j'enverrai des photos.
      Vers 19h, toute la ville résonne de la Lettre à Elise ou d'autres airs bateaux dans le même style. Ce sont les camions poubelles, qui annoncent leur passage. En effet, à Taipei, on ne laisse pas ses ordures sur le trottoir comme en France, on les descend directement, triées, aux éboueurs quand ils passent. C'est aussi quelque chose de drôle de voir tout le monde répondre, plusieurs sacs poubelles à la main, à l'appelle de la benne...
      Je peux peut-être aussi évoquer les toilettes publiques, qui consistent en un simple trou dans le sol, adaptées qu'elles sont au fait que les Chinois, pas qu'aux toilettes, mais de façon générale, ne s'assoient pas comme nous, mais s'accroupissent, et là encore, pas comme nous, mais en posant la totalité du pied, de la pointe au talon, sur le sol -alors que nous, nous ne posons en général que la pointe-, et en remontant quasiment les genoux aux épaules. Essayez, c'est une position assez confortable au début, mais difficile à tenir à long-terme pour nous : ça finit par faire très mal aux mollets et aux cuisses.
      Enfin, dernier petit détail qui me vienne à l'esprit au moment ou j'écris ce mail, c'est la façon dont les Chinois s'orientent dans la ville. A Taipei, on se dirige constamment avec les points cardinaux. Non, les Chinois ne sont pas des scouts exemplaires qui ont le sens de l'orientation dans la peau, mais pour compenser l'organisation bordélique des rues de la ville, ils ont perfectionné l'urbanisme en blocs à l'américaine en mettant au point un système de repérage d'une logique implacable en districts, routes, sections, rues, passages et allées, le tout perpétuellement orienté en fonction des points cardinaux. Les adresses sont ainsi très longues, mais une fois qu'on a compris le système, il devient très difficile de se perdre dans la ville.
      Il y a comme ça pleins de petites habitudes qui surprennent au début, mais je ne peux pas tout dire, en tout cas, pas en une fois.
 
      Sans transition, les taiwanais...
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Les Taiwanais

      Les gens ici sont d’un naturel très serviable. Pas la peine de demander un service, il est toujours spontané, sur l’initiative de la personne, offert avec le sourire et désintéressé… Mais il m’a semblé que c’était un honneur qui m’était fait en tant qu’étranger blanc. Il faudra que je creuse un peu ça, l’histoire de ne pas généraliser s’il n’y a pas de raison de le faire, mais j’ai l’impression que si on a le malheur d’être Coréen ou Philippin, par exemple, on peut aller se faire foutre. En discutant avec des gens, je me suis rendu compte que la vision du Monde des Chinois de Taiwan est très restreinte : Il y a la Chine, crainte à cause du danger de guerre qu’elle suscite, mais qui reste un lointain rêve, et il y a le Japon et les Etats Unis, admirés. L’Europe, ce n’est qu’un satellite de l’Amérique (Nathaniel Farouz, en Chinois, c’est mon « English name »), et l’Afrique, c’est pire que tout. Ca aussi, il faudra que j’approfondisse. En tout cas, en tant que blanc (supposé américain), je suis chouchouté par tout le monde, et on serait presque prêt à tout me passer et faire passer (on m’a déjà plusieurs fois fait passer devant tout le monde dans les queues sous prétexte de trouver quelqu’un qui me comprenne et réciproquement ; j’ai même, la première fois, pris le bus sans payer, en présentant au chauffeur ma carte de métro, qu’en bon parisien, je croyais valable pour tous les transports en commun…le chauffeur, me devinant paumé, m’a laissé faire, et on ne m’a expliqué mon erreur que plus tard). Je vous rassure, je n’ai pas l’intention d’abuser de ces privilèges.
      Le fait que les blancs soient respectés ne signifient pas que les Taiwanais ne sont pas racistes envers nous. En fait, je pense qu'on a peu près le même type de situation qu'avec beaucoup de français "vieille France" : si vous voulez épouser un noir, cela fera scandale dans la famille. Si vous épousez un asiatique, on fera la grimace, mais ça passera... Ici, c'est pareil, les noirs, surtout pas; les blancs, ça passe s'ils sont riches. Il existe tout de même une expression consacrée pour désigner une femme qui sort avec un Européen: "Caojibai" - prononcer Tsaotipaye - mot à mot, vagin puant, mais on m'a affirmé qu'il n'y avait plus guère que les vieux campagnards qui criaient encore ça aux filles concernées dans la rue, les jeunes s'en foutent, et au contraire, apprécient beaucoup les Américains.
      Des Européens qui vivent là depuis longtemps m'ont ainsi confirmé que le racisme des Taiwanais s'estompait très rapidement, contrairement à celui des chinois de Chine continentale.
     
      Un autre point qui m’intrigue chez les Taiwanais, c’est l’usage du sourire. J’ai l’impression que les Chinois ne sourient pas quand ils sont heureux ou quand quelque chose et drôle, mais que le sourire est plutôt de façon générale, l’expression d’une gêne ou d’un embarras… Mon prof de chinois m’avait prévenu que le sourire pouvait souvent être triste en Chine, ça ressemble assez à ça… Le résultat est en tout cas que les Chinois, qu'ils soient heureux ou non, ont toujours le sourire, comme dans les caricatures.
     
      Pour tous ceux qui, ayant déjà vu mon père, pourraient croire que j’ai une quelconque ascendance chinoise, c’est quelque chose que je peux à présent totalement démentir : génétiquement, ça ne colle pas avec moi : les Chinois sont trop travailleurs. Il n’y a qu’à voir avec quelle rapidité ils s’empressent de rendre service et en font plus que ce qu’il faut (et que ce qu’un quelconque français ferait dans une pareille situation, et de loin !). Ici, Martine Aubry passerait certainement plus pour une comique que pour une révolutionnaire : pas question de trente cinq heures : commerces et services ouvrent entre 8h30 et 9h le matin et ferment entre 8h et 10h le soir, sans parler de toutes les supérettes qui font souvent du 24h/24. Officiellement, les Taiwanais sont passés à la semaine de 40 heures l'année dernière, mais ces 40h ne sont obligatoires que dans des cas de salariat bien précis, et sont donc en pratique souvent dépassées. Les Taiwanais ont une semaine de congés payés, au moment du nouvel an chinois, plus un jour par année d'ancienneté jusqu'à avoir atteint le maximum d'un mois. Le fait que tout le monde ait ses congés au même moment paralyse le pays fin janvier chaque année, mais les traditions sont les traditions...
      Selon la tradition Confucéenne, toute la société Taiwanaise repose sur le travail. Taiwan, c'est la méritocratie à l'état pur. Weber l'a dit pour les protestants, c'est aussi valable pour les Chinois : ici, on reconnait le mérite de chacun à sa capacité productive, donc à son argent. Contrairement aux européens qui pour rester politiquement corrects n'osent en générale l'avouer alors qu'ils le pensent quand-même, les Chinois n'hésitent pas à annoncer que leur objectif est d'être riche, et que c'est pour cela qu'ils font des études. Le système scolaire repose ainsi sur une sélection permanente entre les meilleurs qui continueront, et les autres... Ici, on entre à la fac sur concours, et on peut voir des publicités pour des écoles maternelles privées qui prétendent former l'élite dès le plus jeune âge. Hors le conditionnement social, la méritocratie se veut malgré tout parfaite, dans le sens où les meilleures institutions peuvent être accessibles gratuitement pour les élèves méritant (du moins, c'est ce que prétend la brochure de propagande que m'a donnée avant mon départ la pseudo-ambassade de Taipei à Paris).
      Taiwan, un des quatre dragons capitalistes, pourrait donc faire peur par son individualisme exacerbé. Ce serait oublier encore une fois l'influence Confucéenne. Les Chinois pensent leur travail personnel dans la perspective de ce qu'il apporte au reste de la communauté (selon la hiérarchie confucéenne, la famille, le clan, puis l'Etat). Je ne sais pas si c'est général ou si ça ne concerne que les quelques étudiants, formés à la même université, avec lesquels j'ai parlé, mais en gros, on dirait qu'on les a conditionnés avec Smith dès le plus jeune âge : "quand je travaille pour moi, je produis pour les autres, et réciproquement". J'ai l'intention de sortir du milieu scolaire, pour voir par moi-même si ces observations peuvent se généraliser. Il faudra notamment que j'approfondisse la vision sino-taiwanaise de l'éducation. Si je ne dis pas de bêtises, en France, l'éducation est le premier, où un des premiers, poste du budget de l'Etat, et pourtant, cette éducation n'est pas portée aux nues comme ici où c'est vraiment impressionnant
     
      Une seconde influence qui peut paraître dérisoire -mais qui ne l'est pas- de la philosophie confucéenne, c'est la bureaucratie.
      La Chine est un Etat immense, et pourtant centralisé, depuis près de 2000 ans. Cette centralisation, ajoutée aux principes confucéens de respect de la hiérarchie, a donné naissance à une incroyable profusion de bureaux et de départements chacun responsable d'un objet très précis dans chaque institution. Il n'y qu'à voir l'organisation de la fac dans laquelle je suis -pire que Sciences-po, et pour ceux qui connaissent, ce n'est pas peu dire- pour s'en rendre compte. Si j'ai mis autant de temps pour avoir internet dans ma chambre, c'est parce que chaque démarche demande des vérifications, des contre-vérifications, des confirmations et des coups de tampon. Le tampon est le jouet favori des chinois; chaque formulaire est tamponné par une dizaine de cachets différents, et moi-même, pour ouvrir un compte à la banque, j'ai du me faire faire un sceau (le petit dessin en bas du mail pour ceux qui peuvent le voir). Le tampon et le sceau ne répondent pas ainsi qu'aux spécificités de l'écriture chinoise, ils font aussi référence à la tendance confucéenne qui consiste à effacer l'individu par rapport à la collectivité (un tampon, c'est plus "collectif" qu'une signature). A Taiwan, pour ce que j'ai pu en vivre, ça passe encore, mais il parait qu'en Chine Populaire, l'inefficacité administrative due à la bureaucratie est catastrophique...Ce qu'il y a, c'est que les Chinois sont fiers de leur bureaucratie....
     
      Une troisième influence du confucianisme que j'ai pu percevoir rapidement, c'est l'imitation, et ça me permet de faire la transition avec la nourriture puisque j'y reviens en détail juste en dessous.
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La nourriture

      A Taipei, on peut manger n'importe où, n'importe quand, 24h/24.
      Il existe quatre grandes familles géographiques de cuisine chinoise Han -Han est le nom de l'ethnie chinoise majoritaire Chinoise, ce sont la plupart des Chinois à la peau "jaune" et aux yeux bridés, mais il existe ainsi des cuisines typiquement chinoises des ethnies mongoles, tibétaines, ouïgours ou aborigènes, pour ne citer que les principales-. Taiwan fait en théorie partie du secteur où l'on cuisine cantonais, c'est à dire le type de cuisine le plus connu, celui que l'on trouve chez la plupart des restaurateurs en France, mais aussi celui qui sert à manger du chien et du serpent. En pratique, depuis 1949, Taiwan a connu un tel afflux de chinois de diverses origines géographiques que l'on trouve à présent de toute sorte de cuisine (il parait que l'on mange mieux mongol à Taipei qu'en Mongolie Intérieure).
      Manger à Taiwan ne coûte rien. On peut avoir un repas très consistant pour 10 francs (je parle encore en francs pour des raisons de confort : 1 franc = 5 dollars Taiwanais, alors qu'un euro = 33 dollars taiwanais; diviser par 5 est plus simple que par 33...). Cependant, un repas un peu élaboré peut amener à multiplier le prix par dix (élaboré ne veut pas dire de luxe !). Pour information, le Menu Best of Big Mac, qui proportionnellement au reste de la nourriture, correspond à un repas un peu plus cher qu'il ne l'est en France, coûte ici 24 francs (ce qui induit un coût de la vie à peu près 1,5 fois moins cher à Taiwan qu'en France, à relativiser avec le fait que les Taiwanais ont des habitudes de vie, notamment alimentaires, beaucoup plus modestes que celles des occidentaux, et que les prix relatifs de différents biens n'ont pas les mêmes ordres de valeur que chez nous; il faudra que je me renseigne pour connaître le salaire horaire d'un Taiwanais).
      Je reviens à la nourriture. On trouve donc de tout. Même les Mcdo, à tous les coins de rue, servent, entre Big Mac et Filet O'Fish, leur spécialité locale, qu'on pourrait traduire par "Mc-Porc au caramel". Je dois avouer que moi qui venais avec l'intention de goûter à tout, j'ai eu de nombreux haut-le-cœur au début, d'autant plus que la mauvaise odeur et la chaleur ambiante ne favorisaient pas mon appétit. Au fur et à mesure que je me suis habitué aux deux, j'ai commencé à identifier au milieu des odeurs d'égout les odeurs de nourriture, et l'appétit a fini par revenir. Maintenant, je me régale. J'ai goûté trop de choses pour un faire une présentation détaillée. Je vais donc juste m'attarder sur un des plats qui dégoûtent les occidentaux à l'idée que l'on puisse en manger : le serpent. A Taipei, il existe de nombreux "marchés de nuit", regroupements d'étals très animés jusque tard le soir sur lesquels on trouve pêle-mêle contrefaçons de marques, pharmacopées traditionnelles, nourriture et objets religieux rituels. Un de ces nombreux marchés de nuit est entièrement dédié à la viande de serpent. On m'y a servi un bol de bouillon de serpent, accompagné de trois verres : un de bile de serpent, un de sang de serpent, et un de venin de serpent. La viande de serpent, ça a une texture qui ressemble un peu à celle d'un steak de thon, mais ça n'a pas beaucoup de goût. Le sang de serpent, c'est doux et sucré, ça soulage après l'amertume de la bile, c'est assez agréable. Le venin, c'est très fort, piquant, mais très bon. Le serpent est réputé en Chine pour ses vertus aphrodisiaques, c'est d'ailleurs pour cela que de nombreuses prostituées (à Taiwan, contrairement à d'autres pays asiatiques, la prostitution est interdite) tournent autour du marché de nuit des serpents. Malgré les appels pressants d'un proxénète qui m'a exprimé la chose de façon très élégante en passant rapidement l'index d'une main entre le pouce et l'index de l'autre main fermés en boucle, je n'ai pas vérifié les vertus du serpent par moi même.
      Pour revenir à ce que j'ai écrit plus haut, quel rapport entre Confucius, la nourriture, et l'imitation.
      Il faut savoir que la cuisine, en Chine est considérée comme un des arts principaux. Mais la définition de l'art en Chine diffère à bien des égards de la notre. L'art n'est pas forcément "rare" ou unique comme il peut/doit l'être chez nous. La seule exigence est la beauté de l’œuvre. Confucius l'a dit :"Je transmets l'héritage des anciens, sans rien créer de nouveau, car il me semble digne de foi et d'adhésion". De façon générale, la culture chinoise repose ainsi sur le principe de l'imitation de modèles déjà existants ou idéalisés, mais dont l'idéal est intégré par tout le monde. L'art obéit à la même logique. Graphie, Cuisine, Architecture, Sculpture, Danse, Musique, Opéra et Arts martiaux sont donc encadrés par un nombre impressionant de règles et de références, et le meilleur artiste sera celui qui se conformera le mieux à ces règles (on peut dans une certaine mesure rapprocher ça des cadres du théâtre classique français, mais en Chine, beaucoup moins de place est laissée à l'initiative artistique). Le grand cuisinier n'est pas celui qui propose une nourriture qui sort de l'ordinaire par ses aliments ou sa préparation. Le bon cuisinier est celui qui coupera le mieux le poisson, ou qui fera le mieux cuire ses raviolis. Les critères du bon goût sont déjà fixés et intériorisés par les Chinois, le travail de l'artiste cuisinier étant d'atteindre ces critères. A noter ainsi le lien à faire avec ce que je disais de la méritocratie confucéenne : le statut d'artiste, selon les critères et la définition en Chine, s'acquiert ainsi avec plus d'entraînement que d'inspiration.
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Les étrangers

      Je l'ai déjà exprimé, à Taiwan, je ne peux pas passer inaperçu, et je ne peux pas espérer un traitement d'égal à égal de la part des Taiwanais, en tout cas pas tant que je ne maîtriserai pas mieux la langue.
      Tous les étrangers, les "expat's", comme ils s'appellent eux même, en français où en anglais, ressentent à peu près la même chose, et c'est pour ça qu'ils se regroupent. Mon but n'est pas de traîner particulièrement avec eux. Tant qu'à vivre dépaysé, autant le faire totalement. Ils forment cependant une facette de la vie de Taiwan qu'on ne peut pas laisser de côté. Parmi ceux que j'ai déjà rencontrés, on peut les classer en trois catégories : les businessmen et leur famille (qui envoient leurs enfants dans les lycées d'"expats"), les illuminés par tel ou tel côté de la culture chinoise (qui envoient leurs enfants dans les lycées taiwanais), et les étudiants, qu'on peut classer eux aussi en futurs businessmen et futurs illuminés.
      Outre les autres étudiants étrangers de ma fac, je suis entré en contact avec deux communautés locales organisées : la communauté juive, et la communauté française.
      Dans la communauté juive, à part une jolie israélienne qui est en échange dans le même type de programme que moi, que des vieux ou des personnes de passage pour « Business ». Cette communauté, il s’agit en fait d’un mec qui s’improvise Rabbin vu ses compétences douteuses, mais qui est assez riche pour louer en permanence une chambre du Ritz et l’aménager en synagogue, et ainsi réussir à rassembler pour l’écouter raconter sa vie dans ses discours les quelques juifs de Taipei expatriés d’Israël ou des Etats-Unis. Il n'y a pas 10 hommes le samedi matin, et le rabbin se lamente perpétuellement du fait que les expats juifs d'Asie désertent sa synagogue, qui apparemment a eu son heure de gloire, et qu'en ce moment, les "synas" à la mode soient celles de Singapour et de Hong Kong. Il parait qu'à Shanghai, c'est pas mal aussi, et que là bas, les livres de prières sont bilingues hébreu/chinois (ce qui montre que cette synagogue s'adresse à un autre public, implanté depuis longtemps sur place, que de simples businessmen de passage pour affaire). Personnellement, si j'ai mis assez d'argent de côté, je passerai Pâque à Hong Kong ou Singapour, ça m'énerve déjà d'avoir à passer les fêtes de début d'année avec cette communauté gangrenée par son faux rabbin.
      La communauté française s'organise autour de trois points centraux : L'Institut Français, pseudo-ambassade de Paris, L'Alliance française et son annexe, le lycée français, pour l'enseignement du français aux chinois intéressés et aux enfants d'expats, et la librairie francophone "le Pigeonnier" tenue par une illuminée baba cool, Françoise Zylberberg, surnommée "Zyl" par tous les Français, qui a une importante capacité fédératrice autour de son magasin.
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Faune, flore et environnement naturel

      Le règlement intérieur de ZhengDa dispose qu': « En cas de typhon, tremblement de terre, ou autre désastre naturel touchant directement la sécurité des étudiants, sur la base d’une décision prise par l’Université, le centre d’étude du Mandarin annulera les cours et ceux-ci ne seront pas rattrapés. »
      C'est pour ça que si ça se trouve, demain, je n'ai pas cours, et que si ça se trouve, je ne pourrai pas vous envoyer ce mail.
      En ce moment, la saison des moussons vient de se terminer, la saison des typhons commence. Tous les jours, j'ai droit à des pluies diluviennes de chez pluie diluvienne, dues à des typhons environnants. Mais pour l'instant, Taipei ne s'est située que sur la périphérie des ces typhons qui atteignent 300 km de rayon. 300 km, c'est beaucoup, je suppose que c'est important, mais ça ne m'évoque pas grand chose, vu que je n'ai pour l'instant pas d'idée précise de ce qu'est un typhon... peut être qu'après demain, j'en saurai plus.
      J'ai ressenti un tremblement de Terre, mais on s'est moqué de moi en me disant que c’était un tremblement de terre de mauviette (2 vibrations, vers trois heures du matin, vendredi dernier, 4 sur l'échelle de Richter a dit le journal le lendemain, mais seuls les expat's dérangés par le décalage horaire comme moi l'ont ressenti à cette heure de la nuit.
      Le climat de Taiwan, chaud et humide, permet à la nature de s'exprimer d'une façon totalement différente d'en France.
      Taipei semble construite sur une forêt, mais pas une forêt comme on les voit chez nous. Il faut que vous imaginiez des centaines d'arbres tellement touffus que sous certains angles on n'en voit plus les troncs, lesquels tronc sont ondulés et ont l'air de ramper et de s'enrouler les uns contre les autres. Les feuilles sont taillées (ou sont naturellement) en forme de parasols, comme sur les vieilles peintures traditionnelles chinoises que l'on peut voir en France. La végétation est vraiment très riche. Ma fac, qui est un peu excentrée dans Taipei, est ainsi construite sur des collines en pleine nature, le cadre est superbe, on dirait parfois un grand jardin chinois tel qu'on en trouve des reproductions en Europe. La végétation est entretenue grâce à un système d'irrigation par canalisations souterraines. Je me souviens que je l'avais étudié en 5°, comme typique de la Chine, mais j'ai oublié son nom. Si quelqu'un s'en souvient... Le réseau formé pour l'irrigation profite de la pente des collines pour diffuser partout, puis l'eau qui reste forme en bas de la pente un petit canal, que surplombe un petit pont que je dois prendre pour aller dans mon internat.
      La situation de mon Université me permet aussi d'observer des animaux bizarres, parfois de très près, comme ce serpent que j'ai croisé dans les escaliers qui mènent à mon internat (j'ai été trop surpris pour le regarder avant qu'il ne s'échappe, je ne l'ai pas assez vu pour pouvoir trouver de quel serpent il s'agissait) ou ce cafard grand comme mon pouce ( et j'ai de grandes mains !) et assez fort pour voler qui est venu me chatouiller dans mon lit un soir où j'avais laissé la fenêtre ouverte sans la moustiquaire. Dans le petit canal du campus, des grenouilles grandes comme l'ongle de mon pouce (toujours le même, mais cette fois, c'est tout petit pour une grenouille) font un boucan impressionnant, accompagnées par les grillons (qui eux, ont la même tête que les grillons communs en Europe). J'ai aussi pu voir une espèce de grosse mouche d'environ 6 cm de la tête au bout des ailes. Si quelqu'un sait de quoi il s'agit... Elle était posée sur une marche d'un escalier, mais je n'ai pas osé toucher, ne sachant pas si c'était mort, si ça piquait... Keishu, mon compagnon de chambre s'est moqué de moi quand il m'a vu la première fois sortir à la tombée de la nuit et me promener près des arbres. C'est l'heure où on voit le plus de bestioles bizarres, et j'adore ça. Il faudra que je prenne de photos pour trouver à mon retour ce dont il s'agissait, parce que je ne pense pas que je trouverai sur place des livres qui m'expliquent la faune et la flore locale autre qu'en chinois, et c'est un chinois qui demandera certainement un niveau de lecture trop élevé, même pour celui que j'aurai après un an. Mais il y a vraiment pleins d'insectes ( papillons, cafards !!, phasmes - je n'en avais vu en liberté-, vers et chenilles) et de reptiles (lézards et serpents, il parait tortues, mais je n'en ai pas vues pour l'instant, à part à manger sur le marché aux serpents) bizarres.
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Comment taper au clavier en chinois ?

Cette partie est spécialement pour Maman et Charlotte, qui m'ont posé la question, mais je pense que ça peut intéresser.
     
      Le Chinois est une langue qui recense plus de 60 000 caractères, dont 20 000 sont encore utilisés.
      Les imprimeurs ont en général 10 000 caractères différents.
      Il a existé des machines à écrire le chinois, avec, si mes souvenirs sont bons, environ 5000 caractères disponibles.
      26 caractères sur un clavier AZERTY, certains ont déjà du mal, alors 5000, ça parait dingue...
      Pas tant que ça. Ces machines à écrire avaient des touches beaucoup plus petites que celles de nos claviers d'ordinateurs, et étaient actionnés par des bras mécaniques assez perfectionnés.
      Le secret de la dactylo en chinois ne résidait cependant pas dans la nature de la machine à écrire elle-même, mais dans le cerveau de la personne qui s'en servait.
      Depuis tout petit, jusque parfois vers 15 ans, l'éducation des jeunes chinois privilégie surtout l'apprentissage des nombreux caractères de la langue. Pour faire simple, chaque caractère est un espace virtuel carré qui prend sa signification en fonction d'un certain nombre de traits disposés d'une certaines façon en son sein. Savoir lire le chinois, c'est savoir associer un sens (et non pas un son, comme avec notre système alphabétique) sur un dessin. Le nombre de traits par caractère varie de 1 à 64, ce qui nécessite, pour lire couramment, une reconnaissance visuelle et une mémoire associée perfectionnée dans ce domaine là. L'apprentissage de la langue chinoise aux jeunes enfants favorise le développement de cette capacité dans leur cerveau, il a été prouvé scientifiquement que les hémisphères d'un asiatique qui utilise des idéogrammes sont développées de façon relativement différente de celles d'un européen alphabétique. Tout ça pour dire que la rapidité "normale" d'un dactylo chinois réside dans la capacité beaucoup plus importante que nous qu'il a de mémoriser des dispositions spatiales, donc la place de chacun des caractères sur sa machine à écrire...
      Et à l'ère de l'ordinateur ?
      Aujourd'hui, il existe plusieurs codes officiels de transcription du chinois vers le latin. Celui qui est utilisé en Chine Continentale et qui tend à se généraliser, même à Taiwan, s'appelle le Pinyin (c'est le code qui fait que certaines personnes écrivent Pékin Beijing pour se la péter). Pour écrire du chinois à l'ordinateur, il suffit ainsi de taper la transcription Pinyin sur le clavier latin. Le problème est qu'en chinois, plusieurs caractères peuvent se prononcer de la même façon, et une même transcription PinYin peut s'appliquer à plusieurs caractères. Ainsi, quand on tape une transcription, plusieurs caractères apparaissent à l'écran, et on doit choisir lequel on souhaite utiliser. Maintenant, les logiciels sont de plus en plus intuitifs, et la liste des caractères proposés pour chaque transcription tapée est donnée en fonction de ce qui a été tapé précédement (ainsi, Université se dit DaXue en Chinois. Si je tape Da, l'ordinateur me proposera automatiquement les caractères qui écrive DaXue, intuitivement, sans que j'ai à taper Xue...ensuite, la rapidité s'acquiert avec l'habitude). L'utilisation de la transcription PinYin s'avère donc très utile... pour un européen comme moi, par exemple. Mais je l'ai dit plus haut, les asiatiques parlent très mal l'anglais, et donc lisent très mal le latin... Un code de transcription phonétique, qui s'inspire des idéogrammes chinois, a donc été inventé à l'intention des asiatiques, ça s'appelle le Zhu Yin. Le Zhu Yin s'avère objectivement plus rapide, mais difficile à apprendre pour un occidental. C'est en revanche tout bénef pour un asiatique.
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     Et voilà pour ces premiers jours. Que dire de plus, sinon qu’un pays dans lequel il y a de la publicité pour ICQ dans la rue ne peut que me plaire ??
      Merci de m’avoir lu jusqu’au bout si vous l’avez fait !
      Je voudrais juste nuancer tout ce que j'ai dis au long de ce mail. Certaines de mes observations peuvent présenter les Chinois de façon assez négative, en tout cas selon nos critères. C'est vrai que certaines choses peuvent paraître choquantes au premier abord, mais plus ça va, plus je découvre qu'il n'existe pas qu'une logique, et que la logique chinoise défie à bien des égards tout ce que j'avais appelé logique jusqu'ici, et ce du bon sens qui me permet d'utiliser dans les meilleures conditions le ventilateur de ma chambre (ici, la puissance maximal du ventilateur est "1" et la minimale est "3") à l'utilité du non-faire du Tao. Je ne suis pas du genre à trouver que tout ce qui est différent est beau et bien, ni de ces politiquement corrects qui n'osent pas critiquer les autres cultures au nom du droit à la différence, mais pour l'instant, j'essaie de m'abstenir de tout jugement, et je considère qu'un des rôles de cette année, c'est aussi justement de me faire comprendre ce que pour l'instant je ne comprends pas du tout. Et là, je me rends compte qu'il y a du boulot, qu'un an c'est court, alors, j'essaie de chercher des renseignements et des informations partout, mais je ne sais pas dans quelle mesure elles sont valables, et c'est pour ça que ce mail est si long, et que je m'arrête là parce que j'ai mal aux doigts et que Keishu hallucine que j'ai pu taper un aussi long mail alors que je ne suis même pas encore connecté à Internet (9 pages sous Word, mes exposés à Sciences-po en font moins ! – c’était long à écrire, ce serait long à relire, désolé pour les fautes.)
      Les prochains seront plus courts...
      Shana Tova à ceux qui se sentent concernés et même aux autres.
     


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